Bulletins La
Chauve
Numéro 2 : Septembre 2004
Editorial, par André Grange
La Chauve, par André Grange
Les Châles de Valloire, par
Denis Michelland
La Criminalité légère au XVIIIème,
par Jacky Martin
Inventaire des croix et oratoires,
par Claude Rignot
Editorial, par André Grange
L’association du patrimoine de Valloire a six mois
d’existence. Déjà, notre action commence à être bien
perçue, nous en voulons pour preuve les lettres et les
paroles d’encouragement que nous recevons, ainsi que les
nouvelles adhésions. Dans le premier numéro de La Chauve,
nous annoncions un programme ambitieux compte tenu de
notre jeunesse, nous avons tenu nos promesses.
Lorsque vous recevrez ce numéro 2, trois conférences
auront été organisées ainsi qu’une exposition. La
commission Culture animée par Maud Bolliet a commencé sa
réflexion. Les commissions de l’environnement et de
l’écotourisme vont le faire prochainement.
Pour réaliser ces manifestations et pour présenter la
vie de Valloire et de notre pays, nous avons besoin de
votre vécu et de vos souvenirs.
Une manifestation de grande envergure est en
préparation avec la mairie, l’Office du Tourisme, les
écoles de ski, les remontées mécaniques… et bien sûr notre
association : « 100 ans de ski à Valloire ». Elle doit
être l’œuvre de tous les valloirins. N’hésitez pas à nous
interpeller pour que vive notre passé.
Ces actions ont pu être mises en place grâce à une
équipe dynamique qui s’est mise au travail mais la tâche
est vaste et nous lançons à nouveau un appel à ceux qui se
réclament du patrimoine pour qu’ils viennent nous
rejoindre et travailler avec nous.
Il y a urgence, ne laissons plus se dégrader nos
oratoires, nos croix, ne laissons plus jeter les traces de
notre passé à la décharge. Au contraire, dès que nous
repérons des traces du patrimoine, essayons d’agir.
Les associations des villages commencent à le faire,
l’AEP le fait depuis de nombreuses années. Que cette
action soit simplifiée et peut-être qu’ainsi demain le
patrimoine sera un véritable atout supplémentaire pour
notre station. A Valloire, nous n’avons pas besoin de
s’inventer un passé, il existe, faisons le vivre !
Merci à tous les passionnés d’histoire, de
généalogie, en un mot du patrimoine, de venir nous
rejoindre.
La
Chauve, par André Grange
Notre
journal a été lu. C’est la conclusion que l’on peut tirer
du nombre de questions que l’on nous a posées « le titre
de votre journal, ça veut dire quoi ? » Nous répondrons en
disant que c’était le moyen de communiquer des anciens, le
soir après une dure journée de labeur, lorsque le village
se réunissait. Aujourd’hui, on dirait « La Veillée »
Les
Châles de Valloire, par Denis Michelland
Dans l’habillement de la valloirinche, la
qualité et la couleur du tablier sont assorties au châle.
Ce sont les seuls éléments qui peuvent varier d’une
personne à l’autre, d’un jour à l’autre.
L’usage,
la situation familiale, la coquetterie, et le souci d’être
en harmonie avec les couleurs liturgiques de l’église, ont
amené les femmes à posséder des châles d’une très grande
diversité dans le choix des tissus, des motifs, des
franges… Si bien qu’une dame de famille aisée peut
posséder une cinquantaine de châles.
Un
inventaire mené par le groupe folklorique « La Vallée
d’Or » permet d’observer qu’il n’y a pas de limites dans
les couleurs de tissus, de broderies, et la façon
d’agrémenter le châle.
Quelles
sont donc les différentes catégories ?
D’abord
l’usage : la valloirinche porte tout au long de l’année
son habit traditionnel. Pour travailler dans la maison ou
dans les champs, elle met un « cambresin », une cotonnade
imprimée avec différents motifs et plusieurs couleurs…
Le
dimanche et les jours de fêtes religieuses, elle porte un
châle de soie. C’est un carré de 120cm de côté plié sur la
diagonale, brodé sur une ou deux pointes. La coquetterie
et le désir de porter un châle original amenaient la
valloirinche à broder des dessins les plus variés (fleurs,
épis, feuilles…) aux couleurs souvent vives, parfois avec
du fil d’argent ou d’or ou même avec des perles. Ce carré
de soie peut être de couleurs vives ou de couleurs
liturgiques (blanc, bleu, vert, rouge, violet, noir).
Lorsque la
personne est frappée par un deuil familial, elle doit
respecter les étapes successives qui déterminent la
couleur du châle, du noir au violet de plus en plus clair.
Le châle
de soie peut être aussi broché, c'est-à-dire que le dessin
est tissé. De nombreux motifs avec des couleurs
différentes permettent de décliner un choix important. Ce
tissu est apporté par les colporteurs qui sillonnent tout
le pays. Ainsi, on peut retrouver en Tarentaise, par
exemple, des châles brochés identiques aux nôtres. De
Valloire partaient de nombreux colporteurs qui réservaient
à leur famille les pièces de tissu les plus intéressantes.
L’hiver,
la femme porte un châle en fin lainage qui est brodé de la
même façon que les châles de soie.
La manière
de porter le châle respecte des règles précises. Plié sur
une diagonale, au milieu, le châle a cinq plis retenus par
une épingle pour former « la guiche » qui donne un
mouvement très élégant dans la direction de la pointe.
Placé au ras du cou, il retombe sur les bras jusqu’aux
coudes, d’où la dimension de 120x120 cm. La guiche est
fixée sur la collerette très amidonnée, appelée chemison,
qui dégage largement la nuque et renvoie sur l’arrière le
châle qui va pouvoir prendre toute son ampleur et dévoiler
la richesse de sa décoration. Une broche en or le fixe sur
le cou, tenant le châle très haut, la robe noire ne devant
pas apparaître sur la poitrine. Au niveau de la taille, le
châle est épinglé à la robe et recouvert par le tablier.
Pour
agrémenter le châle, des franges de soie ou de coton,
selon la qualité du châle, sont piquées sur le bord des 4
côtés du tissu, tous les centimètres. Les franges sont
nouées et travaillées de différentes façons et sur
plusieurs rangées, elles mesurent environ 20 à 25 cm de
hauteur. La longueur du fil nécessaire varie entre 500 à
800 m.
Les
fillettes et les jeunes filles portent des châles aux
caractéristiques identiques à celles des adultes, seule la
dimension est adaptée à leur taille. Elles revêtent des
châles de soie brochée ou brodée, des cambresins, ou de
fins lainages qui peuvent être des « tartans » - tissu
écossais aux motifs géométriques à base de lignes.
Que
reste-t-il d’une telle profusion de pièces si
différentes ?
Beaucoup
ont été conservées dans les familles où elles sont
transmises de mères en filles. A ce jour, près de 400
modèles différents ont été recensés.
C’est un
patrimoine vivant que l’on ne doit pas laisser perdre…
La criminalité légère au XVIIIème,
par Jacky Martin
En
feuilletant de vieilles archives, on découvre le « registre
criminel léger de la châtellenie de Valloire »
pour l’année 1730, dans lequel le châtelain de Valloire,
Alexis Grange (notaire royal collégié) reçoit les plaintes
de ceux qui ont été insultés, injuriés, poursuit ceux qui
ont travaillé les jours de fête et dimanche et ceux qui
essaient de se soustraire à la dîme.
Le
châtelain au Moyen-Âge était un lieutenant du seigneur
qu’il était chargé de représenter et toujours choisi dans
une famille noble. Il avait trois sortes de fonctions :
militaire, administrative et judiciaire. En l’absence du
maître, il gardait le château, en surveillait l’état et
faisait faire les réparations utiles. Il exerçait aussi
les autres prérogatives du maître et rendait la justice
s’il le fallait.
Au
XVIIIième siècle, le lieutenant du seigneur a
fait place lentement à un fonctionnaire dont les
attributions très larges et très vagues au début se sont
progressivement précisées, spécialisées et amoindries. La
création du service de l’intendance l’a privé de ses
fonctions militaires et administratives, de sorte qu’au
XVIIIième siècle, les Royales Constitutions, de
Victor Amédé II, ne font de lui qu’un agent judiciaire,
subalterne, sans importance. Ils ne connaissent que des
délits infimes, donnant seulement lieu à l’application
d’une amende légère ; pour les autres, ils doivent
procéder à une information très sommaire sur la plainte
qui leur a été adressée, et signaler le délit au juge
compétent. Ce fonctionnaire était généralement choisi
parmi les notaires de la paroisse.
En voici
quelques extraits :
Le 30
août 1730, Jean feu Vincent Retornaz et Bertrand feu André
Martin associés ont passé un acte d’accensement pour la « dixme
en bled due rière le tiers dessus de Valloire » avec
Mgr l’Evêque. Celui-ci a ainsi sous-traité la perception
de la dîme en blé moyennant une somme d’argent.
Le 7
novembre 1730, ils se plaignent au châtelain « disant
qu’au mois de septembre étant allés au mas de la Balmette
pour y percevoir la dîme en gerbe sur les terres de Pierre
feu Antoine Michelland, celui-ci avait enlevé et emporté
malicieusement et à dessein prémédité tout le blé aussitôt
qu’il a été coupé avant que la dîme ait été prélevée. »
Ils
demandent réparations et justice et que ledit Michelland
soit condamné à l’amende et tous dépends, dommages et
intérêts.
Le
châtelain lui-même n’est pas à l’abri d’insultes de la
part des gens de Valloire, comme en témoigne le « verbal »
contre l’Anne-Marie fille de feu Vincent Magnin, femme de
Colomban Cornu :
« Le 14 mars 1730 entre les 5 et 6 heures après-midi me
retirant de la maison de Jacques Buisson, situé au village
de la Revine où j’aurai assisté à l’annotation des biens
dudit Buisson détenu dans les prisons royales de
Saint-Jean-de-Maurienne et passant au-devant la maison de
Colomban fils de feu Joseph Cornu audit village de La
Revine et où est le chemin public accompagné de Maître
Jean-François fils de feu Maître Antoine Gallice, notaire
collégié, de Maître Claude, fils de feu Barthélemy
Feutrier, d’honorable Jean-François fils de feu François
Rambaud, syndic (…) qui auraient aussi assisté à ladite
annotation. L’Anne-Marie (…) serait sortie toute en colère
de sa maison et m’aurait hautement et atrocement insulté
en ces termes en présence des sus-nommés et de tous les
habitants dudit village, en me disant que j’étais un
voleur, un fripon, un coquin, un bougre, un vilain, un
coucheur et même à proférer toutes les autres injures qui
lui sont venues en pensée, à quoi je ne faisais aucune
attention, ni répondre mot jusqu’à ce que ladite
Anne-Marie Magnin, toujours plus courroucée, continuant à
m’injurier, m’a poursuivi à plus de 30 pas au-dessus de sa
maison armée d’une grosse pierre qu’elle m’aurait jetée si
je ne m’étais caché et dont elle m’aurait frappé si ledit
Maître Feutrier ne l’en avait empêchée et ne l’aurait
retenue avec peine. »
et c’est pour avoir refusé à ladite Magnin quelques effets
dudit Buisson que ladite Magnin a demandé et notamment une
chemise neuve, des bas et dentelles, et laquelle est
parente au troisième degré par alliance audit Buisson
détenu. »
Ces propos délibérés en présence des plus apparents dudit
Valloire et des habitants dudit village, à une personne
publique, à moi qui suis notaire et châtelain dudit lieu
étant dans mon office, méritent punition pour éviter et
prévenir les funestes suites qui pourraient arriver en
telles occasions aux personnes publiques dans leurs
fonctions. J’ai un notable intérêt d’avoir réparation et
justice de telles injures ».
Le
30 décembre 1730, le châtelain Alexis Grange « a eu
notice » par Révérend Claude Plaisance, prêtre natif
de Saint-Martin-La-Porte, curé et plébain de Valloire, que
« Jean-François feu François
Rambaud, meunier et fourier, habitant les Verneys faisait
ses fours et moulins tant les jours de fête que de
dimanche et même pendant les messes de paroisse et offices
divins.
Etant entré dans le four et moulin dudit Jean-François
Rambaud, j’ai vu que les moulins travaillaient, ayant vu
le dessus où l’on met le blé tout rempli de blé seigle, et
les moulins faisaient farine, ayant vu les pétrins
remplis, et l’eau chaude sur le feu, ledit Rambaud a dit
qu’il en faisait coutume et qu’il se moquait des Royales
Constitutions mais qu’il en subirait l’amende prévue par
icelles.
Les
affaires « plus graves » (coups et blessures) seront
portées devant le juge de l’évêché de Maurienne. Il existe
à Valloire, une très ancienne coutume appelée « Les
Droits ». Ainsi, à l’occasion du mariage d’une fille du
pays et d’un garçon d’un autre pays (un coérin), le marié
doit donner de l’argent ou payer à boire aux garçons du
village, pour en quelque sorte, compenser la perte d’une
fille du village pour les garçons de Valloire.
Antoine
Bosserand, natif de Saint-Michel et habitant de
Saint-Martin-d’Arc, a été battu pour avoir refusé de payer
les droits.
Le 24 août
1751, il se rend à Valloire chez Joseph Giraud, maréchal
et cabaretier. Il y rencontre Bertrand Donzel et Joseph
Savoye, tous deux soldats au régiment de Tarentaise, et un
autre nommé Martin. Ledit Donzel a demandé à Antoine
Bosserand s’il ne voulait pas leur donner un leu (de
l’argent) sous prétexte qu’il y a 4 ans, il a épousé une
fille de Valloire appelée Marie-Madeleine Martin, sans
avoir rien donné aux garçons dudit lieu de Valloire.
Celui-ci a répondu qu’il n’avait aucun argent, Donzel lui
répliqua qu’il n’avait qu’à répondre de la dépense qu’ils
feraient chez Joseph Giraud ou encore passer une promesse
audit Giraud. Mais le cabaretier n’ayant pas voulu lui
faire crédit ni accepter de promesse, Donzel s’est
approché de Bosserand et lui a d’abord appliqué un grand
coup de poing sur le visage qui l’a fait saigner par le
nez et par la bouche, puis l’a saisi par les cheveux en
lui donnant différents coups de poing par la tête, outre
différents coups d’un soufflet de fer sur les épaules qui
lui ont causé des meurtrissures, en lui disant que si
dimanche prochain, il ne lui portait pas un leu chez
Giraud, on lui en ferait bien davantage.
Antoine
Bosserand recourt au juge de l’évêché de convoquer
Bertrand Donzel pour le condamner à subir la peine qu’il
mérite.
Le juge
étant absent, c’est noble et spectable Claude François de
Rapin, avocat au Sénat, lieutenant du sieur juge de
l’évêché de Maurienne et Terres Limitées, qui reçoit la
plainte. Le procès a traîné en longueur puisque les
agresseurs n’ont été condamnés qu’en 1761.
Inventaire des croix et oratoires, par Claude
Rignot
Notre association a lancé, il y
a 6 mois, l'inventaire du petit patrimoine religieux de
notre commune. Il s'agit, dans un premier temps, de
dresser la liste exhaustive des croix et oratoires.
Les Croix qui
jalonnent notre paysage ont toutes une histoire. Il
convient de conserver les caractéristiques de ces témoins
de la foi populaire, érigés en commémoration (missions,
accidents), en protection (avalanche, crue...) ou en
simple signal (sommet d'une montagne).
Les Oratoires sont
moins nombreux. Mais ils furent autrefois l’objet des
soins attentifs des habitants, souvent décorés avec
recherche, et parfois garnis d’objets de piété. Ce sont
soit des constructions isolées, soit des niches aménagées
dans la maçonnerie des murs de maison. La plupart sont
hélas très détériorés et une sauvegarde urgente s’impose.
Cet inventaire nécessite l’aide de tous
les membres de notre association et de toutes les bonnes
volontés décidées à rechercher ces témoignages du temps
passé. Une description sommaire peut se faire à l’aide de
fiches-canevas que nous tenons à votre disposition. Une
photo ou un dessin compléteront les renseignements
recueillis et les témoignages qui pourraient être apportés
par celles et ceux qui se souviennent (ou qui ont entendu
dire) des circonstances ou des événements ayant présidés à
l’érection de ces croix qui marquent nos chemins, nos
villages et nos montagnes…
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